Campagne en moi-même

J’ai récemment fait la rencontre de la part divergente de moi-même, celle qui n’oeuvre pas pour le bien du Grand Tout, celle qui proteste et sabote.

Je me promenais dans les tréfonds de mon être, rencontrant, rappelant souvenirs, pensées, apprentissages.

Il se trouve que j’aimais… et que je cherchais à dire cet amour-là avec l’appui de tous mes mois, toutes mes parts.

Alors je faisais campagne.

A mes enfants intérieur.e.s, j’ai promis d’aller avec la personne aimée revisiter les lieux tendres de mon jeune âge, à coeur reposé, avec douceur, en sécurité, et ils m’ont suivie ;

A ma penseuse éthérée j’ai fait miroiter les grandes conversation sur le monde et les choses, les livres, les films, les réflexions échangées, et elle m’a suivie ;

A ma goulue charnelle, j’ai décrit sans mots, en frissons des sens, les mets délicieux que nous partagerions, et les caresses – plus chaudes de se savoir aimer.

Ainsi, en moi, profs et élèves, clowns, prêtresses, adoratrices de l’absurde et rationnelles calculatrices, les parts avides de vie et d’autres terrifiées, les parts solides, célestes et d’autres ébranlées…

Nous nous sommes rassemblées autour de ce projet : construire le pédestal, de tous nos corps mêlés, sur lequel dire et vivre et accueillir l’Amour, et l’Autre.

Et cheminant comme ça, toujours plus emballée, je n’ai pas vu venir –

le checkpoint :

“Passeport, s’il-vous-plaît !
– Pardon ?
– Laisser-passer, ou demi-tour.
– Mais voyons, Monsieur, je suis en moi-même !”

A perte de vue, déchirant ce champ que je croyais connu : une frontière.

Je rapetisse.

 

 

L’écoute c’est diriger son désir vers quelque chose
La voix n’émet que ce que l’oreille entend.

 

Texte écrit le 24 juillet 2018, et retrouvé au détour d’un carnet, ce matin. Ecriture sous contrainte : rapetisse, diverge, passeport. Je ne sais pas si les deux dernières lignes sont de moi ou une citation.